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Tisserande de nuages
Embarquez pour les mythes nordiques

Iðunn

Gardienne des pommes d’éternelle jeunesse des dieux
Loki et Idun, illustration du Suédois John Bauer (1882-1918) pour Fädernas Gudasaga de Viktor Rydberg (1911). Source : domaine public, via Wikimedia commons ↗

La déesse ase Iðunn, femme de Bragi, a un rôle essentiel (Gylfaginning, chap. 26) :

Elle garde dans son coffret de frêne les pommes dont les dieux doivent croquer une bouchée quand ils vieillissent et ils rajeunissent alors et il en sera ainsi jusqu’au Crépuscule-des-dieux.

On ne sait pas d’où ces pommes proviennent. Cela dit, les fruits poussent sur les arbres et le frêne est l’essence d’Yggdrasill, l’arbre du monde. On peut donc présumer un lien étroit entre Iðunn et les arbres, voire entre elle et l’arbre du monde.

Iðunn, gardienne de vie

Les deux mythes sur Iðunn racontent son départ (forcé ou volontaire) du domaine des dieux. Les conséquences sont désastreuses :

Iðunn a donc une action phénoménale sur le TEMPS (qu’il s’agisse d’âge ou de saison) – et une importance vitale pour les dieux.

Iðunn et la bière

Les pommes magiques d’Iðunn font partie des mythes sur la bière racontés par Bragi (Skáldskaparmál, chap. 1). Qu’elles parfument ce breuvage est une hypothèse peu risquée. En effet, Iðunn est appelée öl-Gefn « Gefn-de-la-bière » (Haustlöng, poème du scalde norvégien Þjóðólfr de Hvinir du xe siècle) et est enlevée par le géant Þjazi, fils d’Ölvaldi « Pouvoir-de-la-bière ».

Le rapt d’Iðunn

Le mythe du rapt d’Iðunn commence par un feu qui ne veut pas cuire et s’achève par un aigle brûlé vif. Au cours d’une vadrouille, le trio de dieux ases, Óðinn, Hœnir et Loki, est incapable de cuire un bœuf. Le responsable est un aigle gigantesque, perché sur un arbre voisin. C’est le géant Þjazi. Il exige sa part pour que la viande cuise, mais s’empare des meilleurs morceaux. Loki voit rouge et le frappe d’un bâton. Le bâton colle à ses mains et au dos de l’aigle, qui s’envole. Loki percute arbres et rochers. L’aigle exige qu’il lui amène Iðunn et ses pommes pour lui faire grâce.

Loki entraîne Iðunn hors d'Ásgarðr pour aller cueillir des pommes sauvages dans un bois. L’aigle surgit, réceptionne le colis et l’emporte chez lui. Les effets sont immédiats en Ásgarðr (Skáldskaparmál, chap. 1) :

Or, les ases devinrent patraques à la disparition d’Iðunn, et ils se mirent bientôt à grisonner et à vieillir.

Les dieux ont vite fait d’accuser Loki. Pour sauver sa peau, celui-ci propose de rapatrier Iðunn. Freyja lui prête son habit de faucon pour le voyage :

Et dès qu’il revêtit la forme-de-faucon, il s’envola plein nord aux Jötunheimar et arriva un beau jour chez le géant Þjazi. Celui-ci était parti naviguer en mer et Iðunn était seule à la maison. Loki la changea en noix, la souleva dans ses serres et s’envola aussi vite qu’il put.
Or, quand Þjazi rentra chez lui et qu’Iðunn lui manqua, il prit sa forme-d’aigle et vola après Loki à grand bruit d’aigle [1]. Quand les ases virent que le faucon volait avec une noix et où l’aigle allait, alors ils dévalèrent devant l’Ásgarðr en portant des tas de copeaux de bois. Le faucon vola dans le fort et se laissa tomber contre sa palissade. Alors les ases allumèrent un feu avec les copeaux, mais le puissant aigle ne s’arrêta pas et manqua le faucon. Ses plumes prirent feu et s’arrêta net son vol. Les ases étaient juste à côté et tuèrent le géant Þjazi devant la Grille-des-ases. Ce meurtre est très fameux.

La provenance des copeaux n’est pas précisée.

Iðunn, gardienne de pommes est transformée en noix – l’unique métamorphose végétale des mythes scandinaves. Qu’Iðunn ait un lien avec la fertilité-fécondité semble acquis.

La chute d’Iðunn

L’autre absence d’Iðunn est tout aussi catastrophique. Elle est narrée dans Hrafnagaldur Óðins, un poème sûrement daté du xviie siècle. Iðunn tombe de l’arbre du monde comme un fruit. Elle se retrouve dans les tréfonds mythiques. Elle revêt une peau de loup et retourne à un état sauvage. Óðinn lui envoie une ambassade singulière : Bragi et les deux ennemis, Heimdallr et Loki. Ce dernier est responsable de sa première absence…

Maison et nom d’Iðunn

Iðunn habite Brunnakr « Chemin ou Moisson de la source ». Cette résidence humide la rapproche de la norne Urðr et des déesses Frigg et Sága. Elle la rapproche aussi de l’arbre du monde.

Þjazi n’est vu que sur un arbre, mais a une maison en bord de mer apparemment. Celle-ci s’appelle Þrymheimr « Monde-du fracas (de tonnerre) ». Sa fille, Skaði en hérita. Elle était absente quand Iðunn y logeait. Par ailleurs, Þjazi a pour frère Iði, nom (dangereusement) proche d’Iðunn.

Le nom d’Iðunn (comme celui d’Iði, voire des dises) dériverait d’iða « remous, tourbillon », iðinn « affairé, industrieux », ou iðja « activité, occupation ».

La famille d’Iðunn

Les renseignements sur la famille d’Iðunn sont minces et tardifs. Il y aurait beaucoup à en dire, mais ce sera pour une autre fois.

À suivre…


Notes

[1] L’aigle est la tenue du géant qui fournit le vent mythique. Le bruit de l’aigle est donc le vent (voire la tempête).