Les dieux ases
Les ases sont la famille divine dominante depuis leur victoire sur les vanes. Leur nom est devenu synonyme de dieux… après qu’ils ont adopté les trois seuls vanes officiels.
Le mot áss (pl. æsir) « ase » [1] viendrait du sanscrit asu « énergie vitale, souffle », ou du gothique ansi « chef » [2]. En vieux norrois, áss (pl. ásar cette fois) est un « poteau, ou pilier principal d’un édifice ». À noter, toutefois, que les æsir venaient d’Asie pour Snorri Sturluson (Gylfaginning, prologue).
Il existe plusieurs listes des ases avec quelques variantes. Toutes proviennent de Snorri. Il en dénombre douze dans sa Gylfaginning (chap. 20) :
Gangleri dit alors : « Qui sont les ases auxquels les hommes se doivent de croire ? »
Hár répondit : « Il y a douze ases de nature divine »
Jáfnhár dit alors : « Les ásynjur ne sont pas moins sacrées et n’ont pas moins de pouvoir. »
Alors Þriði dit : « Óðinn est le plus éminent et le plus ancien des ases. Il gouverne toutes choses et, aussi grands que soient les autres dieux, ils le servent tous comme des enfants servent un père, mais Frigg est sa femme. »
Snorri liste pourtant treize ases avec Loki et quatorze avec Óðinn, leur chef ! Il compte encore douze juges ases dans ses Skáldskaparmál. Le nombre douze suggère vaguement le nombre des apôtres. Loki (le treizième) y jouerait les Judas, et Óðinn, surnommé Père-de-tous, les Dieu le Père. Pour ma part, je vois aussi dans les douze ases le vestige des lunes annuelles. Que Snorri sépare les ases des ásynjur « déesses » renforce l’une ou l’autre idée.
Gylfaginning | Skáldskaparmál |
---|---|
Óðinn | Óðinn |
Þórr | Þórr |
Baldr | |
Njörðr | Njörðr |
Freyr | Freyr |
Týr | Týr |
Bragi | Heimdallr |
Heimdallr | Bragi |
Höðr | |
Víðarr | Víðarr |
Áli ou Váli | Váli |
Ullr | Ullr |
Hœnir | |
Forseti | Forseti |
Loki | Loki |
Si les ases semblent plus polyvalents que les vanes, leur fonction principale tourne autour de la guerre et des combats en tout genres (dont la vengeance familiale, ou le duel). Tous attendent ou se préparent pour le Ragnarök « Destin-des-puissances », la guerre des dieux et des géants. La plupart d’entre eux y périront. Les dieux sont, en effet, mortels. Ils bénéficient juste d’une jeunesse éternelle grâce aux pommes (magiques) de la déesse Iðunn.
Deux ou trois générations de dieux
Les dieux sont classables en deux générations, sauf deux lignées, qui en ont trois :
- Freyr, fils du vane Njörðr a un fils, Fjölnir. Noter qu’on n’a pas jugé bon de déifier ce fils. Celui-ci meurt noyé dans une cuve d’hydromel.
- Baldr, fils de l’ase Óðinn a un fils, Forseti. Cette fois, c’est Baldr lui-même qui décède prématurément.
Cela dit, la plupart des dieux ases sont des fils d’Óðinn – ou sont censés l’être. À ce titre, deux générations de géants-du-givre sont à ajouter à leur lignée : le père et le grand-père d’Óðinn (Gylfaginning, chap. 6). Cette longue lignée des ases les différencie des vanes. Elle suggère aussi que les vanes ne descendent PAS des géants-du-givre. Les alfes sont des candidats potentiels.
La première génération des ases périt au Ragnarök, sauf Hœnir. La seconde survit ou ressuscite. Les vanes sont balayés, quoique Njörðr, apparemment, retourne d’où il vient. Tout cela n’a plus guère d’importance puisque la conversion chrétienne va enterrer le paganisme et ses mythes.
Notes
[1] En français, les noms de famille, invariables, ne prennent pas la marque du pluriel. Pour cette raison, je choisis de mettre les noms des familles mythiques en minuscule. En revanche, les noms de groupes au nombre déterminé sont en majuscule.
[2] Titre porté par les chefs des Goths, fortunés par les dieux et censés les rejoindre à leur mort, selon Ursula Dronke. Selon l’Histoire des Goths, chap. 13, de l’historien romain Jordanès ↗ (vie siècle), les chefs des Goths, vainqueurs de l’armée romaine sur les rives du Danube sous l’empereur Domitien (81-96), furent proclamés ansi « demi-dieux ».