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Tisserande de nuages
Embarquez pour les mythes nordiques

Víðarr

Le dieu vengeur de son père Óðinn
et tueur du loup Fenrir
Vidarr gravé sur la croix de Gosforth (Angleterre)
Víðarr (présumé) sur la croix de Gosforth, Angleterre (xe siècle), par Julius Magnus Petersen (1827-1917) pour Goðafræði Norðmanna og Íslendinga eftir heimildum [p. 83] de Finnur Jónsson, Híð íslenska bókmentafjelag, Reykjavík (1913). Source : domaine public, via Wikimedia commons ↗

Portrait de Víðarr

Víðarr est un dieu ase. Snorri le présente ainsi (Gylfaginning, chap. 29) :

Víðarr se nomme l’un d’eux, l’ase silencieux. Il a une chaussure épaisse. Il est presque aussi fort que Þórr. Les dieux ont grande confiance en lui dans tous les dangers.

Il ajoute (Skáldskaparmál, chap. 11) :

Comment doit-on surnommer Víðarr ? Il peut être appelé l’ase silencieux, le possesseur de la chaussure-de-fer, l’ennemi et le destructeur du loup Fenrir, le vengeur des dieux, l’ase habitant la maison du père et le fils d’Óðinn, le frère des ases.

Snorri complète son portrait en affirmant que la géante Gríðr est sa mère.

La chaussure de Víðarr

La chaussure épaisse de Víðarr est faite des rognures de cuir des bouts de souliers des humains récupérés à travers les âges (Gylfaginning, chap. 51). Elle rappelle plus ou moins le navire composé des ongles des morts. Voire la corne d’un sabot de cheval. En effet, Víðarr ne descend de son cheval et ne quitte sa terre que pour combattre le loup (Grímnismál), str. 17). Toutefois, il est aussi le dieu à « la chaussure-de-fer ». Le fer rappelle sa mère, Gríðr, et ses gants de fer prêtés à Þórr.

Le saule de Víðarr

Víðarr habite Land víði « Terre du Saule ». Le domaine embroussaillé a un air sauvage, ou mal entretenu de forêt, ou de tignasse hirsute. Il est donc bien possible que la « maison du père » n’ait rien à voir avec la Valhalle d’Óðinn. Après tout, la seule personne vue avec Gríðr est Þórr – assez intime avec elle pour qu’elle lui confie son bâton magique. Víðarr lui-même est comparé à Þórr…

Le nom de Víðarr peut venir de víða « élargir », ou de víðir « saule » (n. f.). Les deux étymologies lui conviennent car Víðars land víði « la terre du saule de Víðarr » pourrait offrir en un seul vers les deux sens. Víðarr « élargit » bel et bien la gueule du loup Fenrir en disloquant ses mâchoires au Ragnarök. Il lui aurait aussi transpercé le cœur d’une épée.

Le saule, arbre des sols humides, désigne une femme en vieux norrois (Skáldskaparmál, chap. 46). Il se pourrait bien qu’il dissimule une femme ici. En tout cas, Óðinn ordonne à Víðarr de servir à boire à Loki au banquet des dieux (Lokasenna, str. 10). Or, ce rôle est dévolu aux femmes (valkyries, maîtresses de maison, vierges de géants, jusqu’aux déesses) dans la littérature aussi bien que dans les halles vikings. Veiga seljo « serveuse de breuvages » désigne une femme (Hrafnagaldr Óðins, str. 11). Or, selja est un (autre) nom du… saule.

Au fameux banquet des dieux, seuls Víðarr ET Sif (épouse de… Þórr) servent à boire à Loki. Víðarr et Loki ont un point commun : ils sont tous deux associés à un cheval et à un loup. Víðarr ne descend de cheval que pour tuer le loup Fenrir. Loki est le père du loup Fenrir et la mère du cheval Sleipnir (Hyndluljóð, str. 40). Loup et cheval s’opposent. Le premier poursuit le soleil (féminin) et le second le transporte (idem la lune ? Pas sûr). Bref, il se pourrait que Víðarr incarne à lui seul le combat mythique ET cosmique majeur : celui de Loki et d’Óðinn – du cheval et du loup. Pas moins.