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Tisserande de nuages
Embarquez pour les mythes nordiques

Skaði

La déesse de l’hiver
Skaði par HLM (auteur autrement non identifié) pour Asgard Stories, Tales from Norse Mythology de Mary H. Foster, Silver, Burdett and Company (1901). Source : domaine public, via Wikimedia commons ↗

Skaði « Péril » est la seule déesse scandinave à porter un nom plutôt déplaisant – un nom masculin de surcroît (le nom commun skaði EST masculin) ! Déesse dise, telle Freyja, elle est d’origine géante. Fille du géant Þjazi et femme du dieu vane Njörðr, Skaði est une ase. Elle pourrait aussi être la plus archaïque et la plus nordique des déesses, car son nom serait associé à la Scandinavie (Skaiðin-auja « île-de-Skaði »).

La géante Skaði devient déesse

Þjazi, géant au plumage d’aigle, a été tué par les dieux réunis. Sa fille va leur demander des comptes (Skáldskaparmál, chap. 1) :

Maintenant, Skaði, la fille du géant Þjazi, prit casque et broigne et toutes ses armes, et se rendit en Ásgarðr pour venger son père. Cependant, les ases lui offrirent un arrangement et une réparation. En premier lieu, elle dut se choisir un mari parmi les ases, mais le choisir par ses pieds et sans rien voir de plus. Alors, elle vit les très beaux pieds d’un homme et déclara : « Je choisis ceux-là. Il n’y a pas grand-chose de laid dans Baldr. ». Mais c’était Njörðr de Nóatún.

La seconde partie de la compensation reçue par Skaði vire à la pantomime égrillarde :

Dans l’accord de réconciliation, elle avait aussi obtenu que les ases devaient faire ce qu’elle les croyait incapables d’accomplir, qui était de la faire rire. Alors Loki fit ceci : il noua une corde à la barbe d’une chèvre femelle et l’autre bout, à ses testicules, et ils tiraient chacun à leur tour en poussant des cris stridents. Puis Loki se laissa choir sur les genoux de Skaði, et alors elle rit.

Le sens de ce rire scabreux reste une énigme. Pour moi, cependant, Loki parodie un rite magique, archaïque et féminin. Seule une géante pouvait en comprendre la teneur. La seule chèvre femelle mythique est Heiðrún « Rune ou Secret brillant », la chèvre de la Valhalle. Elle alimente de ses pis les guerriers occis en hydromel.

Les déboires conjugaux de Skaði

Skaði épouse Njörðr – qui n’en était pas à sa première expérience de conciliation (il a servi d’otage entre vanes et ases après leur guerre). Le ménage n’est pas franchement heureux (Gylfaginning, chap. 23) :

Skaði voulait pour domicile celui qu’avait eu son père. Celui-ci se trouve sur des montagnes en un lieu appelé Þrymheimr. Mais Njörðr voulait être au bord de la mer. Ils passèrent cet accord qui voulait qu’ils passent neuf nuits à Þrymheimr et les trois (ou neuf) suivantes à Nóatún. Mais quand Njörðr rentra des montagnes à Nóatún, il dit alors ceci :
« Détestables me sont les monts ;
Je n’y restais pas longtemps,
Sauf neuf nuits ;
Le hurlement des loups
Me semblait
Déplaisant confort,
Comparé au chant des cygnes. »
Alors Skaði dit ceci :
« Dormir, je ne pouvais
Sur les lits de la mer
Avec le cri des oiseaux ;
Elle me réveille,
Quand vient de loin,
Chaque matin, la mouette. »
Alors Skaði monta sur la montagne et habita à Þrymheimr. Elle se déplace le plus souvent à skis et, avec son arc, elle tire sur des animaux sauvages. Elle est appelée öndurguð ou öndurdís.

Le domicile ancestral de Skaði

Skaði est la chasseresse, l’archère et la skieuse des dieux. On la surnomme öndurguð « déesse-du-ski » et öndurdís « dise-du-ski ». Bref, c’est la contrepartie féminine d’Ullr, surnommé önduráss « ase-du-ski ». À part leurs surnoms, ils n’ont pourtant pas d’autre lien connu. Les occupations viriles de Skaði (telles la chasse) rappellent peut-être que le nom commun skaði est masculin. À moins, bien sûr, qu’elles rappellent qu’il y eut autrefois des chasseresses et des guerrières chez les Scandinaves. La masculinité affichée de Skaði ET son absence de frère font, en tout cas, qu’elle hérite du domaine de son père. Et ce domicile est certainement la plus énorme anomalie mythique…

Þrymheimr « Monde-du-fracas » (de þruma « coup de tonnerre ») n’a a priori aucun rapport avec le géant Þrymr « Coup de tonnerre ». Þrymr vola – le malheureux – son marteau à Þórr et réclama Freyja en rançon (Þrymskviða, que je n’ai pas encore traduit. À défaut, vous pouvez lire Thor af Asgaard, une ballade sur le même mythe.). Toujours est-il que Skaði vit à Þrymheimr, inscrit à l’inventaire immobilier des dieux (Grímnismál, str. 11). Autrement dit, le domaine d’un géant est EN Ásgarðr ! Ce Þjazi n’avait rien d’un géant ordinaire. Ses yeux (d’aigle) furent d’ailleurs lancés au ciel par un dieu (Þórr ou Óðinn) après son décès prématuré.

Loki avait participé à la fin de Þjazi. Quand il fut ligoté par les dieux, Skaði suspendit un serpent venimeux au-dessus de lui (Gylfaginning, chap. 50). Le venin dégouttait sur le visage du supplicié. On se demande encore comment Loki se libéra. En tout cas, Skaði est associée à un serpent, comme elle l’était déjà à des loups. Cela donne à la froide Skaði un petit air de Hel.